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Une économie au service de la nation

Conférence - Club Économie de Québec.

UNE ÉCONOMIE AU SERVICE DE LA NATION Il y a environ trente ans, un de mes petits fils à qui je disais mon âge s'écria : "Wow grand-papa! Tu as duré longtemps!..." C'est vrai. J'ai duré longtemps. Mais il y a avantage à durer longtemps: il m'a permis de vivre et d'être témoin de l'évolution des valeurs collectives dans le monde et principalement au Québec. Ce qui me permet aujourd'hui de partager avec vous quelques réflexions à ce sujet et de démontrer que les valeurs dominantes collectives peuvent être changées - et de démontrer l'influence que peut avoir le pouvoir économique sur ces valeurs collectives. En fait, j'ai vécu trois périodes où dominent des valeurs collectives si différentes qu'elles ont donné lieu à une gouvernance et à des pratiques sociales, politiques et économiques très différentes. Exemple : il nous faut même changer le sens de certains mots. Changer le dictionnaire. La définition du " mariage" dans le Larousse : "union d'un homme et d'une femme (en vue de créer ime famille.)" Ou encore le mot "avarice" - soit "l'attachement excessif aux richesses et le désir de les accumuler, alors qu'aujourd'hui, l'accumulation de richesses est la mesure du succès dans sa vie. Comment peut-on expliquer ces changements? Par l'évolution de l'histoire des collectivités ou des règles du"vivre ensemble." Personnellement, ma première période est (1) celle des années trente jusqu'aux années 1960. Une période, pour les canadiens-français de soumission collective aux valeurs religieuses. Ce fut la façon d'assurer leur survie comme peuple à la suite de la conquête de leur territoire par les armées du Roi d'Angleterre. Si on remonte aux années 1760, au moment de la Conquête, en échange du droit des francophones (majoritaire 98% dans le temps) de conserver langue et à leur religion, ils acceptent d'obéir à l'interdiction aux canadiens-français de participer au développement économique de la colonie. Le Roi tenait à assurer la prépondérance économique et financière de la métropole britannique. Si depuis 1600, l'économie de la colonie française était au service de la nation française, et en 1760, l'économie de la Nouvelle-France s'est transformée une économie au service de la nation anglaise. En conséquence, les canadiens-français furent contraints à se satisfaire d'une économie de subsistance familiale et de survivance comme peuple. Et, ce pendant plus d'un siècle. Pas étonnant que, plus tard, Lord Durham, dans un rapport à son Roi, écrira: "Les français de la Nouvelle-France sont forcés de reconnaitre la supériorité et l'esprit d'entreprise des Anglais, que les Anglais détiennent l'immense partie des propriétés et qu'ils ont pour eux la supériorité de l'intelligence." En conséquence, les canadiens-français se réfugient dans une attitude de résignation. Ce qui fera dire au théologien Louis-Adolphe Paquet : "Notre mission est moins de manier des capitaux que de remuer des idées; elle consiste moins à allumer le feu des usines qu'à entretenir de faire rayonner au loin le foyer lumineux de la religion et de la pensée..." . En 1846, alors que les conquérants contrôlent la presque totalité des entreprises et industries, Étienne Parent, à l'occasion d'une conférence, lance cet appel aux canadiens-français: "Je vous demande d'ennoblir la carrière de l'industrie en la couronnant de l'auréole nationale car de là je veux tirer un moyen puissant de conserver et d'étendre notre nationalité...Disons-le, nous méprisons l'industrie." Suite à cet appel, quelques familles canadiennes-françaises réussissent créent des entreprises mais pas suffisamment fortes pour établir une économie qui serait au service de la communauté canadienne-française. Heureusement toutefois, l'organisation sociale des francophones et leurs institutions- les écoles et les hôpitaux, par exemple, étaient sous le contrôle de religieux ou de religieuses. Pour les canadiens français la charte des droits c'était les Commandements de Dieu et de l'Église, Aimez-vous les uns les autres et les valeurs dominantes - celles qui nous méritaient d'accumuler des indulgences, étaient la solidarité, l'entraide, le partage, l'égalité, la fraternité. On peut dire alors qu'à l'époque, si l'écononomie et la finance étaient au service de la nation anglaise, les institutions sociales étaient au service de la nationalité canadienne-française. Ce qui a permis de résister à l'assimilation et à survivre comme peuple. Mais, sur le plan économique, la situation est très difficile. AU début du XXe siècle, alors que 85% de la population est agricole, on assiste à une émigration massive vers les États-Unis. La situation commande une plus grande solidarité des Québécois. Se forment alors des coopératives agricoles. Sur le plan de la finance, Alphonse Desjardins propose de créer un réseau de coopératives d'épargne et de crédit qui se veulent des institutions sociales qui permettent de responsabiliser les canadiens-français du Québec, de vivre la démocratie et de s'initier aux vertus de l'épargne. Il s'agit, disait-il, de se donner un rempart fort et solide "pour nous protéger comme peuple contre nos adversaires et nos rivaux." Donc, une accumulation des épargnes au service de la nation. On voit aussi apparaitre des mutuelles d'assurance - propriété des assurés eux-mêmes. En somme, on voulait vraiment bâtir une économie au service de la collectivité canadienne-française québécoise, une économie au service de la nation. En 1945, à la fin de la deuxième grande guerre mondiale (depuis 1939 - 50 millions de morts) les pays belligérants se réunissent et signent une entente à Bretton Woods - les USA acceptant de se faire gardien de la stabilité monétaire; on crée aussi l'ONU et en 1948, rédaction de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme. Nous vivons alors - grâce à ce modèle d'une social-démocratie, nous vivons les trente années glorieuses. Aux États-Unis, la classe moyenne devient la classe dominante. (L'Amérique que nous voulons, de Paul Krugman.) L'après guerre est l'occasion d'une relance économique marquée. La confiance renait. La population augmente : deux millions de naissance en deux ans, immigrL'agriculture se modernise, hausse des naissances, immigration de 400,000 immigrants venant pour la plupart de l'Europe occidentale), une agriculture qui se modernise, hausse des activités du secteur tertiaire (les services), augmentation des salaires, (les salaires triple de 1939 à 1959), les femmes entrent sur le marché du travail, amélioration des services médicaux, éducatioin pour tous, etc. Ce qui provoque une prise de conscience au Québec d'un monde qui change... La population, de plus en plus informée par le biais, entre autres, de la télévision, demande du changement. C'est le début d'un temps nouveau... Ce fut la Révolution tranquille, de 1960 jusqu'aux années 1980. Il est décidé de "civiliser" les institutions québécoises. Jean Lesage, chef du Parti Libéral propose aux Québecois d'être Maitres chez eux, en établissant un modèle de société qui permettra de vivre à l'heure d'une plus grande égalité des chances, de l'universalité des programmes sociaux, d'une régie des rentes, d'une assurance-santé, etc.." L'agriculture se met au diapason de la rationalisation du marché et s'inscrit dans le grand projet de la gestion de l'offre. Afin de prendre une plus grand contrôle de l'économie, Jean Lesage propose une forme dynamique de social-démocratie, celle d'un partenariat entre l'État et les citoyens. L'État est même autorisé à devenir un État-Entrepreneur afin d'agir lorsque le "privé" ne peut le faire. (Exemple: Hydro-Québec,etc.) Le Québec veut prendre sa place dans le concert des nations... Venait de naître le modèle québécois. Un modèle où l'économie est au service de la nation. Mais, encore plus important, pendant ces années d'après guerre, de nouvelles technologies se développent dans le monde. Des découvertes extraordinaires qui donneront lieu à cinq révolutions. (1) la révolution des technologies de communication - rapprochant les continents, les peuples et surtout les marchés et qui rend les frontières des pays plus perméables et rapprochent les continents, les peuples et surtout les marchés; (2) la révolution des moyens de production ( mécanisation, robotisation, informatisation, numérisation, etc.) qui bouleverse tout le monde du travail et de l'emploi; (3) la révolution de la spéculation (renoncement aux ententes de Bretton Woods, évaluation des devises par le marché, création de grandes richesses déconnectées de l'économie réelle, encouragement à l'endettement, jouissez maintenant et payez plus tard, et endettement non seulement des individus mais aussi des États. Se développe un nouveau capitalisme - "le capitalisme américain" soit un capitalisme plus agressif que le capitalisme européen (capitalisme rhénan.) Alors que les grandes chartes des droits de l'Homme proclament les valeurs de liberté - (une liberté qui ne nuit pas à celle des autres); l'égalité des droits et des chances, la fraternité, voilà que le néo-capitalisme mise principalement sur la liberté - une liberté individuelle. De là, la dérèglementation, la désintermédiation, et le décloisonnement. L'élément central du développement qui était jadis la personne humaine (l'économie au service des gens, l'économie au service de la nation), voilà que l'élément central du développement devient l'économie et la finance. On assiste à un grand basculement des valeurs collectives. Grand basculement des valeurs dominantes. (4) La révolution environnementale - résultat d'un besoin de surconsommation pour que fonctionne la nouvelle économie. En conséquence, on se retrouve sur une planète riche et généreuse mais qui demande grâce! (5) La révolution génétique en conséquence des progrès des sciences de la vie : la médecine et la pharmacologie font des progrès importantes. Selon l'Organisation mondiale de la santé, la tranche des citoyens et de citoyennes de 60 et plus ( selon L'OMS on devenait âgé à compter de 60 ans) a augmenté d'une façon significative. Elle prédit que de 1970 à 2025 elle aura augmenté de 223% de telle sorte que l'ancienne pyramide, celle formée d'une large base de jeunes, un milieu d'adultes et une pointe de gens âgés se transforme rapidement en un cylindre. On dit même qu'il y aurait maintenant plus d'aînés que de jeunes ! La population mondiale augmente d'une façon exponentielle. En cent ans, la population mondiale s'est multipliée par quatre : 1,5 milliards en 1900, 6 milliards en 2000! Le premier février dernier, la population mondiale était de 7 374 175657 personnes lundi le 28 mars 2016 à 14 h 01 min et 30 s -------------- Autant de révolutions en peu de temps auxquels l'humanité n'a pas su s'adapter que les États n'arrivent pas contrôler ou guider. On n'a su mettre en place des pratiques efficaces pour relever simultanément tous ces défis. Pas étonnant que le système dominant soit dénoncé - puisque dans son ensemble, il produit des résultats contraires aux intérêts de la population. Il produit des résultats qui sont contraires aux engagements pris par les membres de l'ONU et par les dirigeants des différents pays qui ont repris ces engagements dans la constitution de leur pays. Il y a une immense contradiction entre les engagements du "vivre ensemble" dans les Déclarations des droits de l'Homme et le système économique mis en place et qu'on encourage et qui domine toujours et je dirais de plus en plus. Article premier Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. Comme le souligne le directeur-général de l'Unesco, comment expliquer que le XXe siècle fut le siècle le plus prolifique sur le plan de la connaissance de la matière et l'exploitation des ressources de la planète ; qu'il fut aussi le siècle de "l'explosion de l'éducation" - et en même temps - le siècle le plus meurtrier : deux guerres mondiales ( 17 millions et 50 millions ) sans compter les nombreuses guerres régionales ou locales. Sans compter les nouvelles formes de génocides, les luttes fratricides. Et le XXIe siècle n'annonce rien de mieux. Il en résulte que le monde est en feu, titrait à la Une un grand journal français. Le monde n'est plus sécuritaire. La liberté d'une majorité est brimée et les inégalités économiques se sont amplifiées rapidement dans la plupart des pays industrialisés au point que, selon l'OXFAM, la moitié des richesses mondiales sont aujourd'hui détenues par 1% de la population. Or, selon les experts, le creusement de ces inégalités est en grande partie dû à la dérèglementation financière, aux systèmes fiscaux biaisés et aux règles facilitant l'évasion fiscale. Et il crée un système socioéconomique qui n'est plus au service de la collectivité, mais au service des individus. Ce qui fait que les institutions ( et tout particulièrement les banques et aujourd'hui les caisses d'épargne et de crédit ) sont au service des mieux nantis. (Le sytème bancaire canadien est fait pour les riches...) Ce qui fait dire au grand économiste Joseph Stiglitz : "Puisqu'il est flagrant que notre système économique ne peut rien pour la plupart des citoyens et que nos gouvernements sont globalement sous la coup des intérêts privés, la confiance dans la démocratie va s'éroder. Et puisque nous comprenons peu à peu que nombre de nos pays ne sont plus ceux de l'égalité des chances, c'est sans doute notre sentiment de la justice qui est menacé."( Dans son livre intitulé Le triomphe de la cupidité.) Il ajoute : "Il est donc urgent de repenser le monde, de réformer une science économique qui s'est fourvoyée, entrainant dans son sillage l'accroissement des inégalités, la montée de la pauvreté ou l'aggravation de la crise environnementale."(Dans son livre Le prix de l'inégalité) On a éveillé le courant primaire - ce courant que les révolutions européennes du XVIIIe siècle ont cherché à changer en courant civilisateur en créant la démocratie et reconnaissant la participation citoyen et la citoyenneté, guidé par les valeurs de liberté, d'égalité, et de fraternité. L'être humain, on le sait, est un animal qui se distingue des autres animaux par sa capacité à raisonner - et c'est par l'éducation qu'il apprend à contrôler ses instincts primaires (Histoire des civilisations ) Au moment de sa naissance, l'être humain n'a que des instincts - et c'est par l'éducation qu'il devient raisonnable, qu'il devient humain.) A la naissance, il est animé d'instincts de survivance, de possession, d'exploitation des ressources disponibles, du pillage des biens des autres, etc. Tandis que l'éducation éveille un esprit de coopération et d'équité qui émane des aspirations humaines les plus profondes de liberté, d'égalité et de solidarité. Au Québec, on a mis beaucoup d'efforts sur l'enseignement au savoir-faire, mais on a négligé l'éducation au savoir-être, au savoir vivre ensemble. Si on espère des changements, il faut remettre dans la tête de ceux qui prendront la relève le reflexe d'une politique et d'une économie au service des populations. Cette éducation se fait aussi dans l'action. Au Québec, heureusement, de plus en plus de groupes d'individus, prennent conscience d'un monde qui n'a pas un bel avenir. Cette prise de conscience s'est exprimée une première fois en 1995 alors que l'endettement du gouvernement ne cessait d'augmenter - ainsi que le chômage. Je me souviens de ce Sommet qui a donné naissance au Chantier de l'Économie sociale... En présence d'un groupe de promoteurs du nouveau libéralisme...à qui le premier ministre a demandé des contributions de quelques millions. Oui, un Chantier à qui on donnait un mandat de deux ans...pour relever ce défi. Et le Chantier a si bien fait, qu'on a décidé de prolonger son mandat...Et l'économie sociale est de plus en plus présente au Québec. (Le Chantier de l'Économie sociale et sa Fiducie...) Je me souviens, aussi en l'an 2000, de la création par Monsieur Jacques Parizeau, cet économisme de renom et grand bâtisseur du Québec moderne, de l'institut de recherche en économie contemporaine (l'IREC) dont le programme de recherche s'articule autour de six grands axes - un de ces axes étant l'économie sociale et le développement local. Je me souviens d'une démarche récente - 2013- celle de l'adoption d'une loi-cadre de l'économie sociale. Une reconnaissance "de la contribution de l'économie sociale au développement socio-économique du Québec et du rôle du gouvernement dans ce domaine." Or, il faut le faire savoir : l'économie sociale est aussi une école à une vie politique, économique et social au service de la collectivité. Elle fait l'éducation à la démocratie. Pas n'importe laquelle démocratie (pas un simulacre de démocratie) mais une démocratie réelle, donc participative. ont une place, un rôle à jouer de façon à ce que tous et toutes puissent y vivre dignement. L'économie sociale, ce n'est pas l'économie des pauvres. Non.C'est une économie au service de tous. C'est une économie responsable, une économie cohérente avec les objectifs que poursuivent les collectivités humaines. Personnellement, j'aime bien le proverbe chinois qui dit si chacun nettoie le devant de sa porte, toute la ville sera propre...Imaginez! Si l'économie de chaque localité du Québec se transformait en une économie responsable, une économie sociale et solidaire, tout le Québec serait un coin de pays guidé par une économie animée d'un grand courant civilisateur. Un nouveau et moderne modèle québécois. C'est ce que je souhaite de tout coeur!