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Chaudiere Appalache - Allocution

Allocution - clôture du Forum sur économie sociale, région Chaudiere Appalache, à Scott.

Ces activités qui se succèdent de la Saison de l’Économie Sociale sont des moments importants et agréables pour moi. Je ne pensais jamais, en 1996, au moment du Sommet sur l’économie et l’emploi convoqué par le Premier Ministre, au moment où s’est créé le Chantier de l’Économie Sociale que dix ans plus tard, l’Économie sociale au Québec aurait connu un tel progrès !

En 1996, les défis étaient grands ! À ce point que le Premier Ministre de l’époque propose alors de bâtir un Québec économiquement solide et socialement solidaire, selon le thème même de ce Sommet. 1996 !

Les défis étaient de taille :

  1. Combattre le chômage qui atteignait des sommets, une situation dont la gravité est telle, qu’elle nécessite d’être corrigée de toute urgence.
  2. Assainir rapidement les finances publiques et à faire en sorte que le gouvernement équilibre son budget, réduise son déficit dans les meilleurs délais; et relance la création de richesses.
  3. Relancer la création de la richesse et redonner confiance aux Québécois et Québecoises. (Nos sortions d’un historique référendum…)

Lorsque à l’issu de ce Sommet, le Premier Ministre annonça la création d’un Chantier de l’Économie Sociale – ce fut pour moi un grand moment pour trois raisons principales :

  1. Ce fut un moment de reconnaissance publique par l’État, de l’importance des partenariats de l’État avec ses citoyens et confirmait l’importance de la participation citoyenne au développement de notre coin de pays. La reconnaissance de partenariat PUBLIC-CITOYEN.

  2. La reconnaissance, non seulement par l’État, mais par la société civile - soit de tous les participants au Sommet, de la capacité de l’économie sociale de contribuer à la solution de ces défis auxquels faisait face le Québec. Les banquiers, présents au Sommet, souscrivent quelques millions à la création d’un fonds pour soutenir le développement d’entreprises de l’économie sociale.

  3. La reconnaissance par les participants au Sommet et par l’État de l’économie sociale comme un des joueurs de cette économie plurielle qui distingue le Québec ( une spécificité québécoise ). Le document décrivait clairement les secteurs de la façon suivante :

      1. Le secteur privé traditionnel inspiré du libéralisme et du capitalisme et qui comprend l’ensemble des entreprises privées à but lucratif et du secteur public».

      2. Un secteur public, devenu plus vigoureux au moment de la Révolution tranquille du milieu des années 60 alors que le Québec décidait « de vivre à l’heure de l’égalité des chances, de l’universalité des programmes sociaux et d’éducation, du tarif unique d’électricité…»

      3. Le secteur de l’économie sociale privé sans but lucratif inspiré du coopératisme, de la mutualité et de la tradition associative, et qui regroupe les activités économiques exercées par des entreprises et des associations selon une finalité de service aux membres et à la collectivité et dans un cadre de gestion démocratique.

Un grand moment ! Les participants au Sommet de 1996 décidèrent d’ajouter un partenaire – rattaché aux entreprises et organisations de type social et communautaire – dans cette lutte à la création d’emplois et au développement économique en créant le Chantier de l’Économie Sociale pour appuyer les entreprises de l’économie sociale et en créer des nouvelles, et ce dans un délai de deux ans.

Les ouvriers sur ce Chantier firent un si bon travail – Osons la solidarité ! (Les membres du Chantier ont si bien osé ! ) qu’à l’échéance de ces deux années, la permanence de ce Chantier fut décrétée. Vous connaissez la suite : vous connaissez les chiffres. Des entreprises de l’économie sociale se sont multipliées au cours de ces dernières années – créant de l’emploi et contribuant, non seulement au développement économique de leur milieu, mais au développement de la démocratie et à la pratique des valeurs d’égalité, de responsabilité, de solidarité et de fraternité. Des valeurs sur lesquels le Québec a compté pour entrer dans la modernité et développer le fameux modèle qu’on a appelé le modèle québécois.

Or, le monde d’aujourd’hui, encore plus qu’en 1996, a besoin de l’économie sociale et de ses valeurs pour redresser les tendances d’une mondialisation galopante – une mondialisation dont les promesses d’un monde meilleur tardent à se réaliser. Loin de mieux partager la richesse comme elle le promettait, elle a créé au contraire des écarts qui ne cessent de croître. Elle a considérablement nui à la démocratie et à la justice sociale; elle a accéléré la plus grande dégradation de l’environnement de toute l’histoire.

Partout dans le monde aujourd’hui, des populations réagissent et se forment des comités ou des entreprises formées de citoyens et des citoyennes qui créent ainsi des cellules où se vivent les valeurs de la démocratie dans le but de se créer des sociétés où chacun et chacune a une place et un rôle à y jouer. Ils cherchent à construire un système planétaire d’économies constituées d’entreprises qui sont la propriété des gens du milieu, lesquels doivent rendre des comptes à tous les partenaires.

Autrement dit, le monde – et le Québec en particulier - a besoin de l’économie sociale – afin de combattre, non pas seulement le chômage – mais combattre cette pensée unique – ce modèle unique que proposent les promoteurs de la mondialisation qui, quoiqu’on dise, ne peut certes pas convenir à toutes les collectivités – et surtout pas au Québec.

Oui, aujourd’hui, un peu partout dans le monde, on constate que le véritable espoir est dans la prise en charge par la société civile – par les populations elles-mêmes de leur projet de société.

Ce sont les populations – les hommes et les femmes – qui font les sociétés – et qui peuvent exercer ce leadership.

Les grands observateurs de la société le disent :

Jean Ziegler : « Où est l’espoir ? Dans la nouvelle société civile planétaire…»

Madame Hillary Clinton : elle propose l’équilibre entre l’économique, le politique et la société civile. «C’est grâce à la société civile, dit-elle, que la vie vaut la peine d’être vécue et pas uniquement grâce aux marchés ou à l’État. La société civile, c’est la substance de la vie, conclut-elle.

John Saul, pour sa part, dans son livre sur La mort de la globalisation, écrit :

« Il y a trente ans, la globalisation surgissait…et ses apôtres proclamaient que pour leur plus grand bonheur, toutes les sociétés seraient désormais organisées autour d’un seul élément : l’économie. Ils nous demandaient de les croire : nous les avons crus… Or, tout montre aujourd’hui, que cette idéologie est entrain de mourir. Des pays à la dérive ont quitté le« navire global» tandis que pointent les idées et les expériences qui préparent la société de demain. »

Non seulement les grands observateurs le disent. Mais, un peu partout dans le monde – et particulièrement au Québec – particulièrement dans des régions comme la vôtre - des groupes de plus en plus nombreux agissent.

Après les coopératives centenaires qui ont atteint des tailles importantes et jouent un rôle stratégique au Québec (Desjardins, Fédérée, les coopératives d’habitation, les coopératives funéraires), on compte de nombreux exemples de prises en charge des citoyens qui sont des réussites.

Un peu partout dans le monde – puisqu’il existe désormais un Réseau intercontinental de Promotion de l’Économie Sociale et Solidaire dont fait partie le Groupe d’Économie solidaire du Québec, un Réseau qui à l’occasion de sa 3e rencontre internationale sur la globalisation et la solidarité, à Dakar en 2005, a produit une déclaration sous le titre « Renforcer le pouvoir d’agir des peuples. »

Oui, on assiste, il se fait actuellement une mondialisation d’une économie solidaire et sociale – d’une économie plus humaine. Les médias en parlent peu – mais cela ne change rien à la réalité.

Les gens agissent en ce qu’il réclame partout  :

  1. Une démocratie davantage participative;
  2. Une démocratie non seulement dans les affaires de l’État mais aussi dans les affaires économiques, sociales et écologiques.
  3. Démocratie dans les affaires économiques  par la création de coopératives, de mutuelles, d’associations citoyennes
    Démocratie dans les affaires sociales : il existe et se créer des coopératives, des mutuelles, des associations dans tous les secteurs d’activités – dans les secteurs de la santé, des loisirs, de la culture, etc.
  4. Démocratie dans l’écologie : devenir propriétaire d’une montagne (comme à Orford) – prendre contrôle de l’éolienne de son village. Pour renforcer le pouvoir d’agir des peuples, les gens réalisent que la façon la plus efficace est de créer des entreprises ou des organisations sur lesquelles ils exercent un contrôle réellement démocratique.

En somme, comme alternative à une mondialisation qui ne remplit guère ses promesses, il existe une volonté populaire de faire des valeurs démocratiques un véritable projet de société.

Mais puisque ce sont les individus – les hommes et les femmes, un à un qui peuvent changer le monde, il ne faut pas perdre de vue l’importance de l’éducation citoyenne. Une éducation à la citoyenneté – aux règles du mieux vivre ensemble. C’est essentiel. Une éducation continue – et permanente.

L’importance aussi de la fierté de nos réussites. Nous, qui oeuvrons dans ce réseau, n’avons pas le droit d’être timides puisque nous sommes les porteurs des conditions d’une chance particulière de voir établir les conditions d’un développement à dimension humaine et à un redressement des tendances. Nous n’avons pas droit d’être timides à cet égard. (Faire des affaires comme tout le monde…comme du monde ! ) Nous sommes les porteurs des valeurs du développement durable, de ce qui apparaît le fondement du progrès humain du futur. Il n’y a pas de honte à cela ! Il n’y a pas de raison d’être timides face à nos idées, à nos convictions. Il n’y a pas raison d’être timides face à nos succès. Ce n’est pas vrai qu’une entreprise de l’économie sociale, c’est essentiellement une petite entreprise, pauvre et incompétente, éternellement subventionnée. Non, Au contraire, nous avons nos propres succès. Nos entreprises sont plus durables que les entreprises traditionnelles. Elles ne sont pas plus subventionnées que les entreprises traditionnelles.

Nous avons le droit de faire connaître nos succès, oui, en des termes de contribution au PIB (Produit Intérieur Brut), bien sûr – mais aussi et surtout en termes de BIB ( de bonheur intérieur brut.)

Pour ce faire, il faut intensifier l’éducation aux valeurs fondamentales de la coopération, de la mutualité, de l’associatif. Il faut faire fructifier nos principes (démocratie, solidarité, recherche de la qualité et de la compétence, de la qualité du service ou du produit, épanouissement de la personne, etc. Il faut innover aussi.

C’est pourquoi il faut multiplier toutes les formes d’action qui sont porteuses de ces valeurs. Des valeurs qui rassurent et qui combattent les sentiments d’impuissance et d’isolement.

Il faut recréer, sur tout le territoire, ces cellules porteuses – non seulement dans le discours mais dans l’action - des valeurs fondamentales de société.

Je vous félicite pour le travail accompli. Je vous encourage à continuer. En multipliant ces foyers de démocratie participative, de démocratie vivante, où règne cet esprit d’entrepreneur socio-économique, dédié d’abord au développement du local pour mieux participer au national et à l’international, animé par des valeurs d’égalité, d’équité, de justice, convaincus que nous ne vivons pas d’abord dans des économies mais que nous vivons avant tout dans des sociétés – là où chacun et chacune y trouve une place, y trouve un rôle à jouer, et y trouve le mieux-être qui permet de vivre en toute dignité. Ce que je vous souhaite de tout cœur !